Epris d’une inconnue
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- Présentation du livre
- Extrait
- Série
Voici enfin le troisième tome de la populaire série Les Callaway de Barbara Freethy, auteur citée sur la liste des best-sellers du New York Times. Il s’agit d’un roman rempli d’émotions et de suspense, qui parle d’amour, de famille et de dangereux secrets.
Ria est aussi sexy et sensuelle qu’une nuit tropicale, et aussi délicieusement dangereuse que les cocktails exotiques qu’elle sert dans un bar de bord de mer sur l’Isla de los Sueños, l’île des rêves. Mais elle n’est pas aussi insouciante qu’elle en a l’air, et elle est fatiguée de faire semblant d’être une autre. Un soir, elle risque tout pour échapper à la réalité.
Ancien pilote et sauveteur dans la Marine, Drew Callaway cherche à fuir une vie qui l’a contraint à être témoin de nombreux drames. Sa rencontre avec Ria est un vent de fraîcheur dans sa vie, et l’unique nuit qu’ils passent ensemble bouleverse son existence. Mais Ria est tuée dans un tragique accident en mer et le rêve tourne rapidement au cauchemar.
Plusieurs mois plus tard, à des milliers de kilomètres de l’île où ils se sont rencontrés, Drew croise une femme qui est le portrait craché de Ria. Elle affirme s’appeler Tory et ne pas le connaître, mais Drew se rend compte qu’elle a des ennuis et il ne peut se résoudre à la laisser partir. Il prend la décision de l’aider, malgré son refus.
Drew ne craint pas le danger, mais peut-il vraiment prendre le risque d’avoir le cœur brisé par une belle inconnue ?
Chapitre 1
Ria Hastings avait envie de lâcher prise. La soirée était chaude sur l’Isla de los Sueños, une petite île tropicale au large du Costa Rica réputée pour ses plages de sable blanc, ses sports nautiques, sa pêche sous-marine et ses cocktails au rhum. Sur la partie la plus sauvage de l’île, plusieurs grandes propriétés situées à flanc de colline offraient une vue spectaculaire sur l’océan. Le reste des habitants de l’île vivait près de la plage, où trois hôtels et une dizaine de restaurants étaient en concurrence pour attirer les touristes et leurs dollars.
Ria dégagea son front moite d’une mèche de ses cheveux blonds. Il était minuit passé, mais la température extérieure oscillait encore autour de 27 °C, et le bar où elle travaillait près de la plage était plein à craquer. Ria avait pris son service à dix-neuf heures et elle était impatiente de rentrer chez elle. On lui avait fait des avances à quatre reprises, et même si elle était habituée à gérer les hommes qui avaient un peu trop bu ou s’intéressaient à elle d’un peu trop près, elle était fatiguée d’arborer un sourire poli. Mais elle en avait encore pour une heure. Elle ne pouvait pas prendre le risque de se faire mettre à la porte, ni d’attirer l’attention sur elle. Cela faisait des mois qu’elle tentait de se fondre dans le décor local, et ce n’était pas le moment de se faire remarquer.
Alors qu’elle essuyait le comptoir, son regard se posa sur un homme assis au bout du bar. Il était arrivé deux heures plus tôt avec un ami – un blond au visage tanné, charmant, bruyant et désormais ivre, qui s’appelait Tim. Tim enchaînait les shots de tequila depuis vingt-deux heures et se pavanait devant trois jolies filles à une table à côté. L’homme au bar ne semblait avoir aucune envie de rejoindre son ami et sirotait une vodka tonic depuis près d’une heure. Il n’avait pas manifesté le moindre intérêt pour les femmes qui s’étaient glissées tour à tour sur le tabouret à côté du sien, mais Ria avait senti plus d’une fois son regard sur elle.
Il était vêtu d’un short kaki et d’un polo bleu marine. C’était un homme séduisant, à la carrure athlétique et aux cheveux bruns coupés assez courts. Il émanait de sa personne une certaine discipline qui lui laissa penser qu’il devait être militaire. Peut-être qu’il avait quitté l’armée ou qu’il était en permission, mais son corps tonique était en état d’alerte.
Elle avait remarqué qu’il jetait des coups d’œil vers la porte presque aussi souvent qu’elle, comme s’il attendait quelqu’un ou qu’il ne voulait pas être pris par surprise. Peut-être qu’il faisait partie des services de renseignements de l’armée.
Cette idée lui fit froncer les sourcils. C’était la dernière chose dont elle avait besoin.
Mais elle secoua aussitôt la tête. Elle devait arrêter de s’imaginer des choses. Beaucoup d’anciens militaires venaient sur l’île pour se détendre et se défouler. L’endroit était devenu une destination populaire pour les enterrements de vie de garçon et de jeune fille, et on y trouvait généralement tout ce qu’il fallait pour s’amuser.
Mais cet homme ne semblait pas vouloir fuir la réalité dans l’alcool ou les femmes, alors que faisait-il là ?
Baissant les yeux vers sa montre, elle songea qu’elle avait mieux à faire que de s’inquiéter pour un inconnu, si sexy soit-il.
Dans quelques heures, le plan qu’elle préparait depuis six mois allait enfin être mis à exécution. Elle en avait repassé les détails dans sa tête des centaines de fois, et même si elle avait très envie de s’isoler quelque part pour tout revoir encore une fois, il y allait de son intérêt de se comporter comme à l’ordinaire.
Son attention fut de nouveau attirée par l’homme au bout du bar. Il y avait quelque chose dans ses yeux sombres qui l’interpellait, agissant sur elle comme un aimant et éveillant en elle un désir et des sentiments qu’elle ne s’était pas autorisée à éprouver depuis très longtemps. Elle ne pouvait pas se permettre de répondre à cet appel. Elle était trop près du but pour s’en écarter à cause d’un homme, surtout un homme qui avait le pouvoir de la faire frissonner d’un seul regard.
Par contre…
Constatant que deux hommes se dirigeaient vers le bar, elle s’approcha de son collègue Martin, un jeune de vingt-deux ans qui avait abandonné ses études à Harvard et était venu sur l’île pour trouver sa voie. Pour l’instant, la seule chose qu’il avait découverte était un amour immodéré pour la tequila et les filles en bikini.
— Est-ce que tu veux bien changer de place avec moi ? demanda-t-elle.
Martin jeta un coup d’œil derrière elle et vit les deux hommes qui s’installaient sur des tabourets à l’autre extrémité du long bar.
— Ils t’embêtent ?
— Je n’ai juste pas très envie de les servir.
— Entendu, répondit-il.
Ria se dirigea alors vers le bel inconnu. Sur le moment, il lui parut être le choix le moins dangereux. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas autorisée à faire confiance à quelqu’un.
— Est-ce que je peux vous servir un autre verre ? proposa-t-elle.
Dans le regard sombre et profond de l’homme, il y avait des ombres. Il devait avoir vu des choses qu’il ne voudrait jamais revoir. Mais Ria y lut également du courage et de la force, ainsi qu’un défi tenace. Il avait peut-être été mis à terre par ce qu’il avait vécu, mais il avait l’intention de s’en relever.
— Oui, pourquoi pas ? répondit-il sur un ton léger qui contrastait avec son attitude tendue.
— Il n’y a pas de raison de se priver. La même chose ? Ou est-ce que vous voulez changer un peu ? Je peux vous proposer un cocktail typique d’ici qui devrait vous plaire.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Le beso de la sirena, aussi connu sous le nom de « baiser de la sirène ».
— Est-ce qu’on voit des sirènes après en avoir bu ? demanda-t-il, son regard s’éclairant légèrement.
— Parfois.
— Ça a l’air dangereux.
— Vous avez l’air d’un homme qui ne recule pas devant le danger.
— Et vous, vous avez l’air d’une femme qui sait comment vendre un cocktail cher à un touriste, répliqua-t-il, un léger sourire étirant ses lèvres.
Il n’était donc pas seulement beau, il était aussi intelligent.
— Je plaide coupable. Alors, qu’est-ce que vous choisissez ? Le beso de la sirena ou une autre vodka tonic ?
— Une vodka, sans le tonic, répondit-il en poussant son verre sur le bar.
Elle lui servit sa vodka puis fit un signe de tête en direction de l’ami de l’homme, qui était en train d’embrasser une blonde à la poitrine généreuse.
— On dirait que votre ami vous a oublié.
Il haussa les épaules.
— Je ne peux pas lui en vouloir. Elles sont toutes très jolies.
— Et pourtant, vous restez là tout seul. Vous n’avez trouvé personne qui vous intéresse ? dem-t-elle en passant un torchon humide sur le bar.
Elle en profita pour jeter un regard de biais vers les deux hommes à l’autre bout du bar.
Ils étaient les gardes du corps d’Enrique Valdez, un des hommes très riches qui s’étaient installés dans les collines de l’île. Même si elle aurait préféré ne pas les voir au bar, c’était une bonne chose qu’ils y soient. Ils la verraient faire ce qu’elle faisait quotidiennement et elle n’éveillerait pas leurs soupçons.
— Je n’ai pas dit ça, dit l’homme devant elle.
— Pardon ?
— Vous dites qu’il n’y a personne ici qui m’intéresse, mais ce n’est pas vrai.
Elle croisa son regard direct et sentit son cœur s’arrêter de battre un instant, puis se mettre à tambouriner dans sa poitrine.
Elle s’était fait un point d’honneur de ne pas avoir d’histoires avec des touristes, ni avec personne d’autre d’ailleurs, mais face à cet homme la tentation était grande. Elle se sentait très seule sur cette île et elle en avait marre de mener une vie de faux-semblants. Pourtant, c’était crucial si elle voulait rester en vie ; elle ne pouvait pas laisser son désir obscurcir son jugement.
— Bien essayé, dit-elle sur un ton léger. Mais ce n’est pas la première fois que j’entends ça.
Il sourit.
— Ça ne m’étonne pas. Mais je suis le seul à le penser vraiment.
— Évidemment.
— Comment vous appelez-vous ?
Elle se raidit.
— Vous d’abord.
— Drew Callaway.
— Il n’y a pas un titre avant votre nom ? Peut-être lieutenant ou capitaine ? suggéra-t-elle.
Il se dégageait de lui une forte autorité.
Il pencha la tête, une lueur dans le regard.
— Lieutenant.
— Dans…
— Je suis entre deux boulots. J’étais pilote dans la Marine et je vais bientôt piloter des hélicoptères pour la Garde côtière.
Cela expliquait certainement pourquoi il respirait à la fois la discipline et la témérité. Et c’était aussi sans doute pour cette raison que son regard était rempli d’ombres.
— Comment avez-vous deviné ? demanda-t-il avec curiosité.
Elle haussa les épaules.
— J’arrive généralement bien à cerner les gens. C’est grâce à mon travail. Pourquoi avez-vous avez quitté la Marine ?
Une lueur songeuse apparut dans son regard et il ne répondit pas immédiatement.
— Il était temps. J’avais besoin de changer de rythme.
— Où est-ce que vous serviez ?
— Un peu partout.
— Vous avez donc été sur des terrains dangereux ?
— Trop souvent.
Elle le regarda d’un air pensif.
— Ça ne va pas changer radicalement si vous entrez dans la Garde côtière.
— Je vais pouvoir continuer à voler et c’est ce que j’aime faire, mais j’espère que je me ferai moins tirer dessus.
— Ça doit être terrible.
— Oui.
Il sirota son verre puis le reposa sur le bar.
— À votre tour.
Elle s’éclaircit la voix. Elle vivait sur l’île depuis six mois et tout le monde l’appelait par le nom qui figurait dans son faux passeport, un diminutif de son vrai prénom.
— Ria, dit-elle.
— C’est joli. Et votre nom de famille ?
— Ce n’est pas important.
— Vous êtes une femme mystérieuse.
— Plutôt une femme qui tient à préserver son intimité.
— Depuis combien de temps vivez-vous sur l’île, Ria ?
— Suffisamment longtemps pour savoir qu’il vaut mieux ne pas avoir d’histoire avec les touristes, répondit-elle avec un semblant de sourire.
— Sans exception ?
— Pas jusqu’à présent. Les gens vont et viennent. Moi je suis toujours là. (Elle s’interrompit un instant.) Qu’est-ce qui vous amène sur l’île des rêves ?
Un sourire se dessina sur les lèvres de Drew et son visage fut comme métamorphosé. Il était encore plus beau ainsi, et elle sentit sa gorge se nouer.
— J’ai rêvé d’une belle blonde avec de grands yeux marron, dit-il. Avec une bouche sensuelle, des lèvres douces qu’on a envie d’embrasser et un corps de rêve. (Il laissa son regard dériver vers sa poitrine.) Je crois que je l’ai trouvée.
Un frisson lui parcourut le corps en se sentant ainsi scrutée et dut réprimer l’envie de couvrir ses seins. Elle ne dévoilait pourtant pas grand-chose dans sa tenue de serveuse, un débardeur couleur corail et un short blanc. La plupart des femmes dans le bar montraient plus de peau qu’elle.
— Vous êtes un beau parleur, fit-elle remarquer sur un ton léger.
— À vrai dire, je manque un peu de pratique.
— Vous sortez d’une relation ? demanda-t-elle, ne pouvant croire qu’un tel homme puisse avoir du mal à séduire des femmes.
— Je me suis concentré sur d’autres choses. Rester en vie, par exemple.
— Je comprends que ça puisse être une priorité.
— Et vous ? demanda-t-il. Vous avez quelqu’un dans votre vie ?
— Non.
— Tant mieux.
— Pourquoi ? demanda-t-elle sur un ton de défi.
Il sourit.
— Parce que je vous aime bien, Ria. À quelle heure est-ce que vous terminez ?
Elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine en voyant son regard avide.
— Vous êtes très direct.
— Je pars demain. Je n’ai pas beaucoup de temps.
— Où allez-vous ?
— San Francisco.
À ces mots, une bouffée de nostalgie emplit Ria. San Francisco était une de ses villes préférées, et cela faisait trop longtemps qu’elle n’y était pas allée.
— J’adore San Francisco, dit-elle. J’habitais là-bas quand j’étais enfant. Mon grand-père était pêcheur. Chaque fois qu’il le pouvait, il m’emmenait sur son bateau dans la baie. (Elle prit une inspiration rapide, prenant conscience qu’elle parlait beaucoup trop.) Dans quel quartier habitez-vous ?
— J’ai grandi à St. Francis Wood, mais à partir de la semaine prochaine j’habiterai à South of Market. C’est le nouveau quartier branché, tout près du nouveau stade de baseball. (Il s’interrompit.) Vous n’avez pas répondu à ma question, Ria. À quelle heure est-ce que vous terminez le travail ?
Elle le regarda longuement, extrêmement tentée par sa proposition. Il avait des yeux sombres et mystérieux, des traits d’une virilité superbe et une bouche qui lui donnait envie de l’embrasser. Sa détermination lui laissait penser qu’il savait sûrement s’y prendre avec une femme. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas abandonnée dans les bras d’un homme pendant quelques heures. Et il avait beau être un inconnu pour elle, elle avait l’étrange sentiment qu’elle pouvait lui faire confiance et qu’il ne la ferait pas souffrir. C’était une pensée dangereuse, parce qu’elle ne pouvait pas se permettre d’avoir tort.
— Ria ? insista-t-il.
— Vous me prenez donc pour une femme aussi facile que ça ? répliqua-t-elle.
— Pas facile, mais je crois que vous pourriez devenir importante pour moi.
En percevant la note sérieuse dans sa voix, elle sentit un frisson lui parcourir l’échine. Mais elle devait reprendre ses esprits. Il essayait juste de l’attirer dans son lit et il était prêt à dire n’importe quoi pour arriver à ses fins. Elle ne pouvait sans doute pas croire un mot de ce qu’il disait.
— Pourquoi est-ce que vous dites ça ?
— Je ne sais pas. Depuis que je vous ai vue, j’ai envie de parler avec vous.
— Ce n’est pas pour parler avec moi que vous m’avez demandé à quelle heure je terminais le travail.
— C’est l’une des raisons, affirma-t-il. Je n’essaie pas de vous insulter. Si j’avais plus de temps, je vous proposerais de sortir avec moi. Je vous apporterais des fleurs et je vous inviterais dans un grand restaurant pour manger un bon morceau de bœuf.
— C’est ce que vous faites d’habitude ?
Il lui sourit.
— Je n’ai pas d’habitude. Et même si je n’ai pas la prétention de comprendre les femmes ou de savoir ce qu’elles veulent, j’ai des sœurs, et elles parlent et se plaignent beaucoup, surtout quand il s’agit d’hommes et de rendez-vous.
— Combien de sœurs avez-vous ?
— Trois sœurs et quatre frères.
— C’est une grande famille. Vous êtes le combientième ?
— Quatrième.
— Au milieu alors.
Il inclina la tête.
— Oui. Et vous ? Vous venez aussi d’une famille nombreuse ?
— Non, je suis fille unique. (Cela faisait partie de l’histoire qu’elle s’était inventée avant de venir sur l’île, mais certains éléments étaient vrais.) Je rêvais de faire partie d’une famille nombreuse.
— Ce n’est pas aussi génial qu’on le croit, dit-il sur un ton ironique. C’est beaucoup de bruit et de désordre.
— Et d’amour, ajouta-t-elle en ressentant une pointe de douleur jusqu’au plus profond de son âme.
Sa famille avait toujours été compliquée. Amour, trahison, divorce, décès… C’était sans doute la vie, mais elle avait l’impression d’avoir un peu trop vu le côté sombre de l’amour.
— Beaucoup d’amour, dit Drew. Parfois trop. Tout le monde veut se mêler de mes affaires.
Il avait beau se plaindre, elle voyait dans ses yeux qu’il était fier de sa famille.
— Alors ? Une heure, deux heures ? insista-t-il en haussant les sourcils. À quelle heure est-ce que vous finissez ?
— Deux heures. Mais je ne vous retrouverai pas.
— Pourquoi ?
— Je ne suis pas d’humeur pour un flirt sans lendemain.
— Ah bon ? Je vous ai observée toute la soirée, et j’arrive aussi plutôt bien à cerner les gens, Ria. Vous êtes sur les nerfs. Chaque fois que quelqu’un ouvre la porte, vous vous crispez. Pourquoi ? Est-ce que vous avez des ennuis ?
Ria était contrariée pour deux raisons. D’abord parce qu’il l’avait très bien cernée, mais aussi parce qu’elle avait été transparente.
— Et vous pensez sans doute que je devrais me détendre avec vous ? demanda-t-elle, ignorant ses autres questions.
— Je pense… (Il s’interrompit puis baissa la voix.) Que vous êtes une femme séduisante qui sait ce qu’elle veut et comment l’obtenir.
— Qui a dit que c’était vous que je voulais ? demanda-t-elle sur un ton de défi.
— Ce sont vos beaux yeux qui le disent.
— Vous voyez ce que vous avez envie de voir.
— Vraiment ? (Il inclina la tête et la contempla avec une expression songeuse.) Qu’est-ce qui vous retient, Ria ?
— Je n’ai pas l’habitude de fricoter avec n’importe qui. Et je me lève tôt. Dans la journée, je conduis des bateaux pour Sea Charters.
— Serveuse, marin… Quels autres talents avez-vous ?
— Vous aimeriez bien le savoir, n’est-ce pas ?
— Oui, dit-il avec un sourire. Pourquoi est-ce que vous ne me le dites pas ? Ou mieux encore, pourquoi est-ce que vous ne me le montrez pas ?
Elle secoua la tête en voyant son sourire charmeur. Quand elle avait posé les yeux sur lui pour la première fois un peu plus tôt dans la soirée, son visage était crispé. Mais depuis qu’ils s’étaient mis à discuter, il s’était considérablement détendu.
— Vous me brisez le cœur, dit-il en portant la main à son cœur.
— Ça m’étonnerait. Et si vous cherchez de la compagnie, il y a plein de femmes dans ce bar.
— Il n’y a que votre compagnie qui m’intéresse. Vous m’intriguez.
— Je ne vois pas pourquoi.
— Qu’est-ce qui vous a fait venir sur cette petite île perdue au milieu de l’océan ?
Elle réfléchit un moment puis lui donna la seule réponse qui lui vint à l’esprit.
— La liberté.
Il croisa son regard.
— Est-ce que vous l’avez trouvée ?
— Je n’en suis pas loin, répondit-elle. Quand je suis au milieu de l’océan et qu’il n’y a pas la moindre terre en vue, seulement de l’eau bleue à perte de vue et une mouette de temps en temps, j’ai presque l’impression de m’être échappée.
— Echappée de quoi ?
— Je n’ai pas envie d’en parler, répondit-elle.
Elle prit une profonde inspiration, s’efforçant de calmer la tension qui habitait son corps et qui était désormais autant due à l’attirance qu’elle éprouvait pour Drew qu’à la peur du lendemain.
— Je comprends ce désir de fuir, dit-il.
— Ah bon ?
— Oui. La première fois que j’ai eu l’impression que des murs se refermaient autour de moi, j’étais adolescent. On était huit enfants à se partager quatre chambres et deux salles de bain. Il y avait toujours trop de monde dans la maison et partout des enfants qui se disputaient, pleuraient, criaient. Je m’échappais dès que je le pouvais. Un jour, je suis allé dans un aérodrome et j’ai pris une leçon de pilotage. Je suis tout de suite devenu accro. Quand on voit la terre devenir de plus en plus petite et qu’on est perdu dans l’immensité du ciel bleu, on a vraiment l’impression que le monde s’agrandit. (Il s’interrompit un instant.) On fait la paire tous les deux. J’ai besoin d’un grand ciel bleu et vous avez besoin d’un grand océan bleu.
Elle sourit.
— Apparemment, la terre ferme n’est pas notre truc.
— Peut-être qu’on irait bien ensemble, suggéra-t-il.
Elle se mit à rire.
— Vous n’abandonnez jamais, hein ?
Il termina son verre puis se leva.
— Je dors dans un des bungalows. Le numéro neuf. La porte sera ouverte, Ria.
— Je ne viendrai pas.
Elle regretta de ne pas avoir prononcé ces mots d’une voix un peu plus forte et déterminée.
— Je serais déçu. J’ai refusé le baiser de la sirène parce que c’est le vôtre que je veux.
— Vous êtes vraiment un beau parleur. Vous avez réponse à tout.
— Je ne joue pas.
— C’est pourtant l’impression que vous donnez.
— Je sais, reconnut-il. Vous n’allez sans doute pas me croire, mais ça fait longtemps que je n’ai pas fait ça.
— Alors pourquoi moi ?
— Vous avez un franc-parler et vous êtes terriblement sexy. J’aimerais beaucoup vous voir avec les cheveux détachés. Et vous montrer qu’on pourrait être vraiment bien ensemble.
Sa voix rauque la fit frissonner.
— Comment savez-vous qu’on serait bien ensemble ? Vous ne me connaissez pas du tout, dit-elle, s’efforçant de résister à son charme. On est des inconnus l’un pour l’autre.
— Pour l’instant. Mais quelle meilleure façon d’apprendre à se connaître ?
— Je préfère éviter les complications.
— Pourtant, je vois dans vos yeux un éclat qui me laisse penser que c’est exactement ce que vous recherchez.
Elle retint son souffle, songeant qu’il disait peut-être vrai.
Drew la regarda en inclinant la tête puis s’éloigna.
Elle le regarda marcher jusqu’à la sortie. Lorsque la porte se referma sur lui, elle laissa échapper un soupir, se demandant comment il était possible qu’il lui manque déjà.
C’était juste un type parmi tant d’autres… Mais elle savait que ce n’était pas vrai, et elle n’arrivait pas à savoir pourquoi.
Peut-être qu’elle était intriguée par la gravité derrière son sourire. Il ne ressemblait pas aux autres hommes qui la draguaient. Avec eux, elle savait comment se comporter. À peine avaient-ils essuyé un refus de sa part qu’ils passaient à une autre femme. Mais Drew était différent. Il avait lancé une invitation puis avait quitté le bar.
Il allait l’attendre. Il semblait être assez certain qu’elle allait venir, mais il allait attendre longtemps.
Elle s’efforça de le chasser de ses pensées et de se reconcentrer sur son travail. Pendant l’heure qui suivit, elle servit des clients, ramassa des verres vides et regarda les minutes s’écouler sur l’horloge. Peu de temps avant la fermeture, l’ami de Drew quitta le bar, accompagné de deux femmes. Apparemment, il n’allait pas passer la nuit seul.
À deux heures, elle nettoya le comptoir et ferma la caisse. Elle souhaita bonne nuit à Martin et sortit du bar. Le parfum des fleurs et de la mer lui chatouilla les narines et elle s’arrêta un moment pour inspirer profondément l’air doux et salé. La chaleur de la nuit faisait écho au désir passionné qui brûlait dans son corps, un désir éveillé par le sourire sexy d’un inconnu.
Elle louait un appartement meublé à trois blocs de son lieu de travail. Le bungalow où logeait Drew se trouvait à une centaine de mètres.
Elle hésita pendant une longue minute. Elle n’avait pas menti en disant à Drew qu’elle n’aimait pas les flirts sans lendemain, mais ce soir-là elle était d’humeur téméraire. Elle n’arriverait pas à dormir de toute façon. Elle s’inquiétait trop de ce qui allait se passer le lendemain matin et ce qu’elle avait prévu de faire.
Dans six heures, elle pourrait être morte.
Elle n’était pas pessimiste, juste réaliste.
Peut-être qu’elle avait tout intérêt à passer ces quelques heures à faire quelque chose qui la rendrait heureuse, quelque chose qu’elle ne faisait jamais. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait qu’une seule idée en tête : son plan, son objectif. Tout ce qui comptait pour elle était de tenir la promesse qu’elle avait faite à sa sœur. Mais ce soir-là, Drew lui avait rappelé qu’elle était une femme. Elle était seule et effrayée, mais elle était aussi déterminée et prête à relever le défi.
Il ne pouvait y avoir de plus mauvais moment pour rencontrer quelqu’un.
D’un autre côté…
Elle retira le ruban qui retenait ses cheveux et laissa ses longues boucles se répandre sur ses épaules. Puis elle emprunta le sentier qui menait aux bungalows, ses sens en éveil et son estomac se nouant un peu plus à chaque pas.
Elle frappa à la porte, tourna la poignée et entra. Le bungalow était composé d’une grande pièce avec un petit coin salon et un grand lit double.
Drew était assis sur le canapé et lisait. Elle avait l’impression qu’il s’agissait d’un roman policier. C’était stupide, mais la vue de ce livre le rendit encore plus séduisant à ses yeux. Elle avait toujours aimé les hommes intelligents, et celui-là l’était, peut-être trop. Jusqu’à présent, il avait vu étonnamment clair en elle.
Sa franchise lui plaisait. Il n’avait pas fait une mise en scène avec des bougies, une bouteille de vin ou un seau à champagne. Il n’essayait pas de la séduire. Il attendait, tout simplement…
Au bout d’un moment, il posa son livre et se leva, plongeant ses yeux dans les siens. Puis il s’approcha d’elle, lentement. Il ne fit pas le moindre mouvement pour la toucher ou l’embrasser. Il se contenta de la regarder avec ses yeux sombres remplis d’ombres, et elle ressentit un magnétisme irrésistible. Tous ses nerfs étaient à vif. Il y avait de l’électricité entre eux, une attraction profonde et dangereuse.
— Je suis content que tu sois venue, Ria. Mais pourquoi ?
C’était une question si simple, et pourtant la réponse était tellement compliquée. Elle décida de lui dire la vérité.
— J’ai envie de toi.
Son regard devint brûlant et il posa la main sur sa taille.
— Moi aussi.
— Pour ce soir, ajouta-t-elle. C’est tout ce que je peux te donner. J’ai besoin que tu comprennes ça.
— Tout ce qui compte, c’est que tu es devant moi en ce moment. Tu es belle, Ria. Et j’ai tellement envie de toi.
Elle sentit son estomac se nouer en voyant le désir dans so n regard. Après l’avoir contemplée, il attira son visage vers le sien.
Il avait un goût aussi enivrant que la vodka qu’elle lui avait servie et son baiser était celui d’un homme qui n’avait pas été avec une femme depuis longtemps. Elle embrassa sa bouche exigeante avec la même urgence et la même envie qui l’habitaient.
Une petite voix en elle l’exhortait à être prudente, mais elle ne l’écoutait plus. Pendant quelques heures, elle allait simplement être une femme, la femme qu’elle avait été, la femme qu’elle espérait redevenir un jour.
Ils ne savaient rien l’un de l’autre, et pourtant il y avait un lien entre eux, un lien qui allait bien au-delà du contact de leurs bouches. Il y avait quelque chose en elle qui faisait écho à quelque chose en lui, sans qu’elle arrive à mettre le doigt dessus.
Mais elle ne voulait pas trop analyser la situation ou s’inquiéter ; elle n’avait fait que cela ces derniers mois. À ce moment-ci, elle voulait juste s’abandonner dans les bras de Drew, oublier son passé et atteindre ce moment éphémère de liberté totale et absolue. Mais il était très possible que dans quelques heures, elle n’ait plus d’avenir.
* * *
Drew se réveilla juste avant l’aube et sentit une brise chaude lui caresser le visage. La fenêtre était ouverte et le chant des oiseaux dans les arbres emplissait la chambre. Pour la première fois depuis longtemps, il avait dormi d’un sommeil sans rêves. Les cauchemars qui le hantaient depuis huit ans lui avaient accordé un répit cette nuit-là. Il n’y avait pas eu d’explosions, ni de scènes sanglantes, de hurlements de douleur et d’angoisse. Pas d’horreur ni de souffrance.
Il éprouvait même un certain sentiment de joie, comme si soudain tout allait pour le mieux. Il se sentait envahi par une douce quiétude, qu’on ne pouvait connaître qu’après une nuit de sommeil lourd et profond entrecoupé de sexe torride. C’était si agréable qu’il ne voulait pas se réveiller pour faire face à la journée et devoir réfléchir aux décisions qu’il avait prises concernant son passé et son avenir. Il avait juste envie de rester dans ce cocon chaud et confortable créé par Ria.
Il n’en revenait toujours pas. Quelle femme ! Elle était si jolie avec ses longs cheveux blonds et soyeux qui lui arrivaient aux épaules, ses yeux marron, son nez tanné par le soleil et sa bouche sensuelle. Elle avait apporté une lumière dans sa vie, une beauté qu’il n’avait pas vue depuis longtemps. Elle avait été passionnée, généreuse et drôle. Ils n’avaient pas seulement fait l’amour ; ils avaient ri, parlé, et le son de sa voix lui avait réchauffé le cœur.
Il était venu sur l’île pour se détendre, recharger ses batteries et retrouver le sourire, et il l’avait trouvé dans les bras de Ria. Elle exhalait une délicate odeur de fleur d’oranger, comme les fleurs qui entouraient son bungalow en bordure de plage. Il avait le sentiment qu’il pourrait respirer son parfum pour toujours sans s’en lasser.
Cette pensée le réveilla brutalement. Il ne pensait généralement pas aux femmes de cette façon. Il était beaucoup plus facile de s’inquiéter uniquement de soi-même, et pas de quelqu’un d’autre. Mais cela ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas profiter du temps qu’ils avaient ensemble.
Il se tourna sur le côté et tendit la main vers les douces courbes du corps de Ria, qu’il avait passé la plus grande partie de la nuit à explorer.
Ria n’était pas là.
Il se redressa d’un coup et prit conscience du calme qui régnait dans le bungalow. La salle de bain était vide. Ses vêtements étaient éparpillés par terre, mais ceux de Ria avaient disparu. Il n’y avait plus aucune trace de son short blanc et de son haut corail, ni de son soutien-gorge en dentelle rose et de son string assorti qu’il lui avait retirés à peine quelques heures plus tôt.
Une bouffée de déception l’envahit. Il devait quitter l’île dans l’après-midi, mais il pensait pouvoir passer encore quelques heures avec Ria. Il voulait en apprendre plus sur elle. Il voulait lui parler, ou au moins lui dire au revoir. C’était un étrange sentiment. C’était généralement lui qui partait le premier pour éviter les conversations embarrassantes du lendemain matin. Mais cette fois Ria l’avait devancé, et cela ne lui plaisait pas.
Il laissa retomber sa tête sur les oreillers et regarda fixement le plafond. Des images de la veille lui revenaient. Le feu de leur désir avait brûlé toute la nuit et cela faisait très longtemps qu’il ne s’était pas senti aussi transporté. Il avait toujours eu tendance à réfléchir et à analyser un peu trop les choses, mais cette nuit-là son corps avait entièrement pris le pouvoir. Il avait vécu l’instant présent sans penser à la suite. Mais il était revenu à la réalité.
Il était évident que plus rien ne se passerait entre eux à présent puisque Ria était partie. Il devrait s’en réjouir. Pas d’au revoir, pas de drame, pas de promesses d’appeler ou de rester en contact. C’était le lendemain parfait d’une aventure d’un soir. Le seul problème était qu’il n’avait pas envie cette fois-ci que l’aventure se termine.
Il essaya de se convaincre que c’était mieux ainsi. Le mardi, il allait commencer son nouveau travail, à des milliers de kilomètres de cette île. Il entamait une nouvelle étape de sa vie et il devait regarder devant lui et non derrière.
Drew sortit de son lit, se dirigea vers la salle de bain et prit une longue douche. Il essaya de chasser Ria de son esprit en se savonnant, mais il ne pensait qu’à ses caresses, ses baisers, ses sourires, à la façon dont elle avait crié son nom quand ils avaient joui ensemble.
S’énervant contre lui-même de ne pas réussir à se concentrer sur autre chose, il baissa la température de l’eau et resta sous le jet jusqu’à trembler de froid. Puis il sortit de la douche, se sécha et s’habilla. Il fourra le reste de ses vêtements dans son sac de voyage en toile et jeta un coup d’œil dans la pièce pour vérifier qu’il n’oubliait rien.
Il n’arrivait pas à se défaire du sentiment qu’il laissait derrière lui la seule et unique femme qui avait touché son cœur, et pourtant il ne connaissait même pas son nom de famille.
Allait-il vraiment partir ainsi ?
Il tourna et retourna la question dans sa tête, et finit par trouver la réponse.
Non.
Il avait quelques heures devant lui avant le départ de son avion. Il allait la retrouver, lui parler, et peut-être qu’elle lui donnerait son numéro de téléphone. En sortant du bungalow, il s’arrêta, ne sachant où aller. Il ignorait où elle habitait, et le bar-restaurant où elle était serveuse n’ouvrait qu’à l’heure du déjeuner.
Il se souvint alors qu’elle lui avait parlé de son travail dans la journée pour une société de location de bateaux. Comprenant que c’était la raison de son départ matinal, il se sentit légèrement mieux. S’il allait à la marina, quelqu’un pourrait sûrement l’aider à la trouver ou au moins lui dire quand elle reviendrait.
Il marcha quelques minutes pour arriver au port de plaisance, qui était rempli de voiliers colorés et de vieux bateaux de pêche. Il aperçut un immense yacht au loin et se demanda à qui il appartenait. Le propriétaire devait être l’un des riches propriétaires des villas dans les collines, qu’il avait remarquées en surfant la veille. Il devait être agréable d’avoir suffisamment d’argent pour acheter une maison sur l’île. Cela ne lui arriverait probablement jamais.
Près de l’entrée de la jetée, il vit un petit bâtiment avec une pancarte Sea Charters.
Drew entra à l’intérieur et s’approcha du comptoir. Un jeune homme d’origine hispanique l’accueillit avec un sourire chaleureux. Il s’appelait Juan, d’après l’étiquette qu’il portait.
— Hola, Señor. Comment puis-je vous aider ? demanda Juan.
— Je cherche une femme qui s’appelle Ria. Est-ce que vous la connaissez ?
— Si, dit Juan en hochant la tête. Ria est une belle fille, très populaire avec les clients.
— Est-ce que vous savez quand elle sera de retour ?
Juan jeta un coup d’œil au grand calendrier posé devant lui.
— Dans quelques heures. J’ai d’autres guides disponibles, si vous voulez faire une sortie en mer.
— Non, dit-il en tapotant nerveusement sur le comptoir du bout des doigts.
Il arrivait trop tard. Ria était quelque part dans l’océan et ne reviendrait sans doute pas avant le départ de son avion.
— Est-ce que vous voulez que je lui laisse un message de votre part ? demanda Juan, une lueur de curiosité apparaissant dans son regard.
Drew réfléchit un instant puis secoua la tête. Qu’est-ce qui lui prenait ? C’était une histoire d’un soir, rien de plus. Il fallait qu’il l’oublie.
— Non, merci.
Alors qu’il quittait le bureau, une bruyante explosion retentit dans l’air, ébranlant le sol sous ses pieds. Les touristes sur la jetée lâchèrent des cris de frayeur. La porte s’ouvrit alors derrière lui et Juan sortit en courant. Ils regardèrent tous les deux en direction de la mer. Derrière une colline alentour, de la fumée s’élevait dans le ciel.
— Qu’est-ce que c’était ? demanda Drew.
— Je ne sais pas, répondit Juan.
Il se mit à courir sur la jetée en direction de la capitainerie, et Drew décida de le suivre.
Une foule de gens s’était rassemblée devant et discutait avec animation. Tout le monde parlait de l’explosion du bateau.
Drew sentit son ventre se nouer. Cela n’avait aucun sens de penser que l’explosion avait un rapport avec Ria, et pourtant il avait un mauvais pressentiment.
— Juan, j’ai changé d’avis, dit-il. J’ai besoin de louer un bateau.
Le jeune homme paraissait réticent.
— Il vaut mieux attendre. On devrait laisser la voie libre pour les sauveteurs.
— Je travaille dans la recherche et le sauvetage pour la Garde côtière américaine. (Il tira son portefeuille de sa poche et en sortit tous les billets qu’il contenait.) J’ai besoin d’un bateau.
Juan se laissa convaincre en voyant l’argent.
— Je vous emmène.
Il leur fallut quelques minutes pour mettre un bateau à l’eau et manœuvrer dans le port, car beaucoup de gens avaient eu la même idée et désiraient apporter leur aide. Drew eut l’impression qu’ils mettaient une éternité à dépasser la digue et la barrière de corail, puis à contourner les collines de l’île.
Trente bonnes minutes s’étaient écoulées depuis leur départ lorsqu’ils arrivèrent au niveau du bateau en flammes, ou plutôt ce qui en restait. Il avait été complètement soufflé par l’explosion et il n’y avait plus que des débris en feu qui flottaient sur l’eau. Des plongeurs avaient commencé à sonder l’océan à la recherche de survivants.
Drew avait la poitrine tellement serrée qu’il eut du mal à parler :
— Ce n’est pas le bateau où était Ria, n’est-ce pas ?
Juan ne répondit pas, mais son regard sombre était suffisamment explicite. Drew retira sa chemise d’un geste.
— Qu’est-ce que vous faites ? demanda Juan.
— Je vais la retrouver.
— Il ne reste rien du bateau.
— Elle a peut-être sauté dans l’eau avant l’explosion. Il y avait combien de personnes avec elle ?
Juan secoua la tête.
— Je ne sais pas, c’est elle qui a pris la réservation. Il devait y avoir une ou deux personnes, mais je ne les ai pas vues embarquer. Le bateau est parti avant que j’arrive au travail.
Drew contempla le champ de débris, doutant fortement qu’il puisse y avoir des survivants. Mais il ne baisserait pas les bras sans se battre. C’était son métier de sauver les gens. Et il allait sauver Ria.
Il se débarrassa rapidement de ses chaussures et plongea. C’était étrange pour lui de se retrouver sur la mer, car en temps normal, il pilotait l’hélicoptère qui faisait descendre les nageurs-sauveteurs dans l’eau. Pour la première fois depuis longtemps, il ne volait pas au-dessus de la scène, mais il était en plein cœur de l’action.
Il chercha Ria partout pendant presque deux heures, en vain. Il ne trouva personne.
En voyant un morceau d’or étincelant qui flottait sur un débris près de lui, Drew dut se rendre à l’évidence et cesser de nier la réalité. C’était le collier de Ria, une chaîne avec un pendentif qui descendait jusqu’à la vallée de ses seins. Il s’en souvenait très bien, car la veille, il s’était amusé à tirer dessus avec ses dents. Il s’en empara alors et retourna à la nage vers le bateau. Il se sentait complètement épuisé et submergé par une émotion inattendue et une terrible certitude.
Regardant fixement le cœur en or serti d’une émeraude, il comprit que Ria était partie. La belle et sensuelle Ria était morte, et jamais il ne la reverrait. Il devait se contenter à jamais d’avoir passé cette nuit exceptionnelle avec elle.
La série Les Callaway:
- Une soirée inoubliable (Livre 1)
- C’est donc ça l’amour (Livre 2)
- Epris d’une inconnue (Livre 3)
- A paraître Maintenant et à jamais (Livre 4)
- Un cœur meurtri (Livre 5)